jeudi 6 février 2020

L'attente



Dans la chambre vide, dont les rideaux filtrent la lumière du jour, le silence est presque total. A peine Eugénie perçoit-elle faiblement un bruissement de pas sur la moquette du couloir de l’hôtel. Mais ce bruit, si étouffé soit-il, suffit à la faire tressaillir. Pourtant, attentive, elle veille à ne pas changer de position. Elle est nue, à genoux, les cuisses écartées, les mains sur la tête. Offerte, impudique et vulnérable. Elle craint et espère à la fois que le pas qu’elle entend soit bien le sien. Qu’il va entrer, qu’il va venir. Impatiente que cette attente angoissante se termine, même si elle sait ce qu’elle subira quand il sera entré. Elle imagine déjà son regard mi-sévère, mi-amusé. Elle anticipe l’angoisse qui sera la sienne quand il passera derrière elle, disparaissant de sa vue. Tous ses sens en éveil, elle s’efforcera de deviner, à l’oreille, de quel instrument il se sera emparé. Choisira-t-il la cravache de cuir qu’elle a dû elle-même lui apporter et laisser, bien en évidence, sur le lit ? Ou bien percevra-t-elle le chuintement de la ceinture qu’il fera glisser dans les passants de son pantalon, ou le bruit de ramage des lanières d’un martinet qu’on agite, ou encore le sifflement aigu  d’une fine baguette qui fend l’air ?  Elle sait que, malgré ses efforts, elle aura du mal à ne pas frissonner en anticipant l’impact du premier coup. Inconsciemment, elle serrera les fesses, tout en sachant que la morsure de la badine ou des lanières n’en sera pas moins douloureuse pour autant. Mais elle sait qu’il peut aussi délaisser momentanément son derrière pour commencer par titiller ses flancs, ses épaules, ses seins ou même la plante de ses pieds. A cette pensée, ses pieds se crispent au souvenir de l’éclair de douleur qui avait vrillé son corps quand la cravache était venue frapper cet endroit si sensible lors de leur dernière rencontre. Une sorte de courant électrique avait traversé son corps, remontant par ses cuisses, jusqu’à son sexe qui avait palpité et les pointes de ses seins .Et celles-ci durcissent, réagissant à la crainte de la souffrance comme à l’attente du plaisir, par le redressement insolent des tétons que mordront aussi les pinces qu’il y accrochera.


 Les pas se rapprochent.  Un instant de silence encore plus pesant. Le bruit de la serrure, la porte qui s’ouvre, sa silhouette qui se détache un instant dans l’encadrement. Mais aussi, mais surtout, derrière lui, dans le couloir, les bras encombrés de linge, une employée de l’hôtel qui vaque à son travail. Un regard bref, si bref qu’elle ne sait s’il a vraiment existé, ou si elle l’a seulement craint. A-t-elle été vue par cette inconnue dans cette position de soumission ? La femme de chambre a-t-elle pu apercevoir cette  femme nue, tellement impudique, exhibée, indécente ?  Peut-elle comprendre pourquoi cette cliente est ainsi agenouillée, la foufoune glabre exposée ?
La porte s’est déjà refermée, Eugénie ne saura jamais si elle a été découverte. Si la jeune femme de chambre sait maintenant que la cliente de la chambre 132 est exposée, à poil, agenouillée,  les cuisses écartées, la chatte offerte. Si elle a compris que le client qui, tout à l’heure, s’est présenté à l’accueil avec cette belle femme, comme un couple illégitime qui vient prendre du bon temps en journée à l’hôtel, va maintenant la frapper, la flageller, la faire souffrir. Comment pourrait-elle comprendre que cette femme accepte, plus même, attend, qu’il la traite ainsi ? Qu’il la maltraite, qu’il la fesse, qu’il zèbre ses fesses de coups de martinet, qu’il lui rougisse le cul en la fessant à la volée, qu’il lui impose des pinces sur les tétons et sur le sexe ? Comment pourrait-elle comprendre comment une femme en vient là, alors qu’Eugénie, elle-même serait bien incapable de l’expliquer.


Comment, en effet, en est-elle venue là ?  A attendre, presque avec impatience, que cet homme vienne la maltraiter, la fesser, la fouetter, la faire souffrir jusqu’à ce que les larmes lui perlent aux coins des yeux ? Alors qu’elle l’attendait, veillant à respecter strictement les consignes qu’il lui a imposées : être nue, en position de soumission, les étapes de son parcours lui étaient revenues confusément.

La rencontre virtuelle tout d’abord. Ces échanges de messages sur un site coquin. Pourquoi avait-elle engagé et poursuivit le dialogue avec cet homme au pseudo quelconque, alors qu’elle envoyait bouler tant d’autres correspondants ?  Peut-être parce que, à la différence d’autres, il n’a pas commencé par lui poser tout de go les questions récurrentes du genre « t’es à poil ? » ou « t’as de gros seins ? »  Elle ne se souvient que confusément de leurs premières conversations. Comment était-il arrivé à ce qu’elle en révèle autant sur elle, sur son intimité ? Peut-être, paradoxalement, parce que, justement, il ne lui avait pas demandé. Et pourtant, elle s’était dévoilée. Exposant, en termes non équivoques, ce qu’elle n’avait jamais divulgué à qui que se soit. Ses fantasmes, ses rêves éveillés, ces idées inavouables. Son trouble quand elle découvrait, au hasard de ses pérégrinations sur Internet ou de ses lectures, les mots tabous : « punie », « raclée », « soumission » et surtout, surtout,  "fessée ».

 Ce mot la troublait depuis si longtemps, depuis son enfance peut-être. Pourtant elle n’avait jamais été fessée durant l’enfance, et l’idée même de traiter ainsi un enfant lui fait horreur. Tout comme elle était prête, elle la jeune femme des années du féminisme revendicatif, à se mobiliser contre toute violence faite aux femmes. Mais, dès son adolescence, elle avait lu, en cachette, de ces récits de punitions conjugales, de femmes fessées, d’épouses punies, de maîtresses soumises, qui pullulent dans les revues coquines. Et ces lectures avaient accompagné ses pratiques sensuelles solitaires. Etait-ce elle qui l’avait avoué en premier, ou bien lui qui l’avait interrogée à ce sujet ? Elle ne saurait le dire. Elle n’en avait jamais parlé, même à ses partenaires ou à ses meilleures amies. Avec elles, il lui était arrivé de se confier sur ses flirts, puis sur ses rencontres amoureuses. Elle n’était certes pas prolixe en la matière, mais assez libérée pour ne pas se formaliser quand une de ses amies lui révélait telle ou telle découverte en matière de sexe, et pour ne pas hésiter à faire partager, fusse à demi-mots, les siennes. Mais, peut-être curieusement, autant il lui était finalement presque facile de convenir qu’elle pratiquait sans réticence la fellation –«  jusqu’au bout » avait-elle précisé à une copine qui lui expliquait qu’elle ne parvenait pas à faire ce cadeau à son amant -  ou la sodomie ; autant partager ses fantasmes lui apparaissait impossible.
 Pourtant, avec lui, elle s’était presque spontanément révélée, sans qu’elle puisse vraiment dire pourquoi.  Comme elle a du mal à se souvenir comment il l’a amenée à passer des aveux, des confidences, à l’obéissance à distance. A se plier à ses ordres relatifs à ses tenues vestimentaires, à lui envoyer des photos de plus en plus intimes. Ses seins, ses fesses, son sexe. Puis des vidéos de ses séances de caresses et de masturbation. Mais aussi à ne se faire jouir seule qu’avec son autorisation, elle qui se livrait à ces activités sensuelles quand son homme s’absentait. Et même à lui demander l’autorisation, à implorer qu’il le lui permette. Ou, au contraire, à se faire jouir à l’heure qu’il lui imposerait

Alors, comment avait-il réussi à la prendre en faute ? Quels avaient été les premiers motifs de ses punitions ? Là aussi, les souvenirs d’Eugénie étaient confus. Avoir trop fumé, ou trop bu. S’être refusée à son mari. Ou peut-être, mais elle n’en est même pas sûre, n’avoir pas obéi correctement aux injonctions de Monsieur. Pourtant elle s’était bel et bien pliée à ces punitions. Des lignes à écrire, punition infantile, régressive. Il ne lui avait même pas demandé de lui envoyer la photo de ces lignes, comme si il savait qu’elle ne mentirait pas, qu’elle ne jouerait pas. Elle s’était imposé de calligraphier, de sa plus belle écriture, ces phrases humiliantes. « Je dois obéir à Monsieur sans discuter ni récriminer » ; « Je suis la chose de Monsieur, et je le remercie de me punir quand je le mérite » ; «Je ne dois jouir que quand Monsieur m’y autorise » ; « Je vous prie de m’autoriser à me faire jouir, Monsieur » … De la même manière, elle était restée « au coin », nue, les mains sur la tête, quand il lui en donnait l’ordre. Malgré l’inconfort de la position, la douleur aux genoux, les tensions dans le dos selon qu’il ait ordonné qu’elle soit debout ou à genoux, le nez au mur.  Là, elle avait dû lui envoyer les photos … Comme celles de ses seins ornés de pinces à linge. Avec de courtes vidéos commentées : « Cinq minutes, merci Monsieur » ; « Dix minutes, merci Monsieur » … jusqu’à « Trente minutes, merci Monsieur » jusqu’à celle de l’enlèvement des pinces, avec l’explosion de douleur qui la faisait geindre, avant de haleter de plaisir quand il l’autorisait à se faire jouir. Ces moments où se mêlaient une vraie humiliation, et de vrais frissons de plaisir. Etre ainsi nue, à genoux, cuisses largement écartées, impudique, obscène,  les seins insolents aux pointes dardées, dans cette « position de soumise » qu’il lui avait apprise, honteuse d’ainsi s’avilir, et pourtant son intimité ruisselante.  Elle lui avouait, encore une fois honteuse, et en même temps presque fière. « Oui, Monsieur, quand je suis en position de soumise, je mouille » ; « Ma chatte est toute moite, Monsieur » ; « Quand j’ai les pinces aux seins j’ai mal, Monsieur, mais je mouille comme une salope, ma foufoune ruisselle, même mon petit trou palpite, Monsieur ».  Au fil des semaines, ces moments de punitions, elle les attendait, les espérait, tout autant qu’elle les redoutait.


Comme elle avait redouté, mais aussi attendu et espéré le moment de cette première rencontre avec ce « Monsieur » dont elle ne connaissait que la voix – encore leurs échanges téléphoniques avaient-ils été limités -, et les volontés, ou plutôt les ordres. Elle avait consciencieusement  suivi les consignes reçues. La tenue vestimentaire, jupe, bien sûr, et chemisier dont elle devait laisser trois boutons ouverts. Soutien gorge pigeonnant, bas avec porte-jarretelles, mais, exceptionnellement, culotte obligatoire. « Il faut que tu en portes une, pour pouvoir l’enlever »avait-il précisé.
 En soi, l’injonction ne l’avait pas troublée outre mesure. Se passer de slip n’était plus pour elle une vraie épreuve. Elle avait déjà vécue, sur ordre de Monsieur, des « journées cul nu ». Et, quelles qu’aient été ses craintes la première fois, avec ce sentiment que « tout le monde allait le voir », elle avait ressenti une sorte de fierté à relever ce défi. Monsieur lui avait aussi révélé qu’il lui était arrivé de demander – et elle savait que pour lui cela signifiait  exiger – à sa compagne d’aller retirer sa culotte aux toilettes pour la lui ramener à table. Elle se sentait prête à une telle épreuve. Pourtant elle fut pour le moins déstabilisée quand, alors qu’ils dînaient au restaurant de l’hôtel dans lequel ils s’étaient retrouvés, il lui dit tout à trac : «Maintenant tu la retires, et tu la poses sur la table » D’abord, elle avait incliné la tête en signe d’acceptation, puis elle avait esquissé un mouvement pour se lever. Mais un simple claquement de langue avait suffi pour qu’il le lui interdise. Et il avait précisé : « Là, tout de suite » Elle avait tressailli, mais son regard, à la fois ironique et impénétrable lui avait fait comprendre que l’ordre n’était pas négociable. Certes, la nappe était assez longue pour cacher leurs jambes, mais les tables voisines étaient si proches qu’ils entendaient les conversations de leurs occupants. Il n’avait pourtant pas baissé la voix pour ajouter : « Retire ta culotte tout de suite, à moins que tu veuilles ta fessée tout de suite, là devant tout le monde » Les autres dîneurs avaient-ils pu entendre ? Elle n’osa pas les regarder. Elle resta les yeux rivés sur la table, souleva légèrement les fesses de son siège, se baissa pour passer les mains sous sa jupe, et saisit son slip entre pouce et index. D’un geste brusque, comme on se jette à l’eau,  elle fit glisser le sous-vêtement jusqu’à ses chevilles. Elle se redressa un instant, planta son regard dans celui de Monsieur,  comme pour le défier, puis se baissa à nouveau. Avait-elle tremblé, ou bien son mouvement avait-il été trop rapide ? En tous cas, le slip resta un instant accroché aux souliers, et elle dut s’y reprendre à deux fois pour lui faire passer l’obstacle. Elle y parvint cependant, et posa la main serrée sur le morceau de tissu sur la table. Monsieur tendit la sienne, et, vaincue, elle y déposa la boule soyeuse, qu’il porta aussitôt à son nez, la reniflant avec un sourire sardonique avant de la glisser dans sa poche. Un nouvel ordre : « Relève ta jupe, le cul directement sur le siège ! » Une nouvelle fois elle obtempéra. Alors seulement, elle osa regarder autour d’elle, emplie à la fois de terreur qu’on ait pu la voir, et d’une incommensurable fierté.

Le repas se poursuivit sans qu’il ne fasse la moindre allusion à ce qui venait de se passer. Mais, après le dessert, au lieu de se diriger vers la chambre comme elle s’y attendait, il l’emmena vers le jardin de l’hôtel, et la fit s’asseoir sur un banc, lui prenant place sur une chaise. Un ordre bref :«écarte les jambes, montre-moi ! » Malgré la proximité d’autres clients, elle hésita à peine, et elle ouvrit le compas de ses cuisses. Elle n’aurait su dire s’il avait vraiment pu apercevoir sa foufoune glabre – l’épilation de celle-ci avait été une des premières épreuves qu’elle avait eu à subir – mais il confirma d’un hochement de tête qu’il était satisfait. Il sortit alors la culotte de sa poche et, tranquillement, la lui tendit en disant seulement : « Remets- la, maintenant » Aussitôt elle comprit que ce serait autrement plus difficile que de la retirer. Il lui fallut, en effet, d’abord se pencher pour l’enfiler – en prenant garde cette fois à ce que ses pieds n’accrochent pas le slip – puis le faire remonter le long de ses jambes jusqu’à ses genoux. Mais il était alors incontournable de se lever, pour remonter la culotte jusqu’en haut en relevant sa jupe. Elle ne pouvait ignorer qu’alors, pendant quelques secondes, son bas ventre serait exposé. Elle fut du reste bien consciente que l’homme qui fumait une cigarette sur un banc à quelques mètres d’eux, n’en avait pas perdu une miette. Mais elle n’eut pas le temps d’avoir honte. Déjà Monsieur lui lançait, assez fort pour que l’homme n’ait pas pu ne pas entendre : « Maintenant tu montes et tu m’attends. En position…de présentation. »

Il n’avait pas besoin d’en dire plus. Elle savait ce que cela signifiait. Ces « positions », il les lui avait enseignées, en lui envoyant même des photos pour qu’elle les apprenne. Elle les avait en effet étudiées, et expérimentées, en lui envoyant les photos pour qu’il en juge. Elle avait même copié leurs prescriptions :
« L’attente » : debout, face à Monsieur, mains dans le dos, jambes écartées et les yeux baissés.
C’était parfois l’attente de son arrivée, mais aussi parfois celle des pinces que Monsieur viendrait accrocher à ses tétons.
« L’arrière » : penchée en avant, mains sur les genoux pour bien présenter le cul à Monsieur.
Quand il lui faisait prendre cette position, elle savait que son derrière aurait à subir la main, ou les instruments choisis par Monsieur. Et que si elle perdait l’équilibre et bougeait les pieds, la punition serait immédiate.
« Les mains » : accroupie, en équilibre, les bras tendus, paumes vers le ciel.
Peut-être celle qu’elle craignait le plus, les coups de cravache ou de ceinture sur la paume des mains lui semblant plus douloureux que sur les fesses. Et, là aussi, si elle perdait l’équilibre, la conséquence était cuisante.
« Présentation » : à genoux, cuisses largement écartées, mains sur la tête.
Totalement impudique, exposant sa foufoune.
« Exposition » : à genoux, buste penché jusqu’au sol, mains écartant largement les fesses.
Plus impudique encore, montrant bien le petit trou …

Il n’avait donc pas eu à en dire plus. Elle s’était dépêchée de monter dans la chambre, avait pris soin de laisser la porte entrouverte – ce qui augmentait sa crainte d’être vue – puis s’était promptement déshabillée, en rangeant soigneusement ses vêtements sur une chaise.  Bien qu’elle en ait très envie, elle n’était pas passée aux toilettes, sachant qu’une des prescriptions permanentes et incontournables de Monsieur était l’interdiction de faire pipi trois heures avant leurs rencontres. Il exigeait en effet qu’elle le fit en sa présence et sans se cacher.  A la peur d’être vue, s’ajoutait donc celle de ne pas savoir résister au besoin de faire pipi. C’est aussi pourquoi elle attendait avec tellement d’impatience qu’il entre…













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