jeudi 13 mai 2010

Orient Express N° 2

ORIENT EXPRESS
N° 2

Un train, un inconnu

Le couloir que j’ai déjà pris tout à l’heure pour accéder à ma cabine est maintenant désert. J’apprécie la douceur de la moquette qui tapisse le sol, assourdissant le bruit des pas. Je travers un premier wagon, puis un second. Là un homme est appuyé à la fenêtre, le front posé sur la vitre. Visiblement avec le bruit du train, il ne m’a pas entendu arriver. Pour masser, je dois me coller contre la paroi du compartiment, mais le couloir est si étroit que, en me mettant de profil, ma poitrine frotte contre son dos. Il grommelle une vague excuse, se déplace quand même un peu pour me faciliter le passage, mais il le fait de manière anagramment si gauche qu’il se retourne lu aussi, et que nous nous retrouvons face à face, son torse collé contre le mien. J’esquisse un sourire contraint, me glisse plus avant, puis reprend mon chemin sans me retourner. Pourtant je suis sur que, lui, me suit des yeux. Le lent balancement du convoi m’empêché de marcher vite, et je sais que ma démarche hésitante dans ce corridor étroit contribue a faire aussi balancer mes arrières. Je sens presque physiquement son regard sur mes fesses. Alors je lui en donne pour son argent, accentuant encore un peu le déhanchement pour mieux mettre en valeur ces courbes qui, j’en suis bien consciente, attirent le regard des hommes. Arrivée à la porte qui sépare le wagon du suivant, je tourne la tête et regarde par-dessus mon épaule. Ses yeux sont en effet encore dardés sur moi. Il détourne un instant le regard, comme gêné d’avoir été surpris en flagrant délit de matage. Mais le sourire charmeur que je lui décroche vaut excuse et autorisation. Et pour faire bon poids, j’inspire un grand coup, histoire de lui montrer que les formes du devant valent celles du derrière. Quand je passe la porte, le courant d’air entre les deux wagons, là ou le vacarme éclate et où on aperçoit furtivement la voie qui défile à toute vitesse, fait brusquement voleter ma robe. Il aura donc en prime une image de mes jambes.

Au wagon-restaurant, le maître d’hôtel s’excuse en expliquant que ses serveurs sont entrain de dresser les tables. Bêtement ce verbe pourtant utiliser à bon droit me donne envie de rire comme une gamine en pensant que, moi, je pourrais peut-être les aider à dresser autre chose. Mais il me propose de me servir au bar si je souhaite un thé. Je m’installe sur un des tabourets hauts sur patte, ce qui m’oblige à relever un peu ma jupe pour ne pas avoir les jambes entravées. Je me tourne de coté et croise les jambes, ce qui a pour effet de dégager encore un peu plus ma cuisse. Charmant et professionnel le barman s’enquière de ma commande, puis m’apporte une théière, puis la tasse, puis le sucre. J’ai très nettement le sentiment qu’à chaque passage, depuis la position surélevée qu’est la sienne dans son comptoir, son regard s’égare dans mon décolleté. Est-ce la glissade contre le torse de mon inconnu du couloir, deux boutons se sont ouverts et les deux monts arrondis sont largement visibles. Je constate même que mon gentil serveur ne peut ignorer la couleur et la texture de mon soutif. Bien sur je pourrais ramener les pans du chemisier, ou mieux encore refermer un bouton. Mais à quo bon ? Le bar est désert, le serveur beau garçon et solitaire, pourquoi ne pas lui offrir une vision plaisante avant le début du service ? Tant que j’y suis, j’accentue un peu l’entrebâillement en me penchant opportunément pour chercher ma carte dans mon sac. Je sais qu’ainsi la vallée profonde s’élargie, et je ne doute pas que son regard y glisse jusqu’au fond. C’est alors qu’entre dans le bar mon inconnu du couloir. Est-il timide ? En tout cas il ne s’approche pas du bar et s’installe dans un des fauteuils club en cuir brun qui décorent l’autre coté du wagon. Timide, peut-être, mais en tout cas pas aveugle, une fois encore son regard est braqué vers moi, sans impertinence, mais aussi sans la moindre gêne visible. Pas un sourire, pas un clignement d’yeux, pas un geste de complicité. Mais des yeux braqués sur mes jambes. Des yeux à peine plissés, mais d’une insupportable fixité. Il a commandé un scotch, il boit, pose son verre, sans qu’une seule seconde son regard se soit décollé de mes jambes. Comme si j’entendais son désir ou ses ordres, lentement, je décroise les jambes les laissant un instant assez écartées pour qu’il en soit satisfait. Alors, pour la première fois depuis son entrée, il hoche la tête, imperceptiblement, en signe d’approbation. Mais quand je croise à nouveau les jambes, tout aussi imperceptiblement mais sans ambiguïté, c’est un refus absolu qu’il m’adresse. Ses yeux ont pourtant quitté mes gambettes pour me regarder dans les yeux. Il a posé les mains sur ses genoux, poings fermés. Il tend alors les deux index, et, toujours en me fixant droit dans les yeux, il écarte vivement les deux doigts. Le geste est impératif, vulgaire, mais transparent. Sans le quitter des yeux, j’obéis et écarte les genoux. Je sais maintenant qu’il peut voir l’intérieur de mes cuisses jusqu’à la lisière de mes bas. Quand je fais mine de refermer le compas son regard devient métallique, et il n’a même pas besoin de refaire le geste pour que j’obtempère. J’écarte les cuisses, largement. J’ai à peine le temps de penser que, dans la demi-pénombre il ne pourra pas voir ma culotte sombre que le regard s’est adouci, en signe d’approbation. Mais cette fois, se sont les deux pouces qui se lèvent, puis eux aussi s’écartent vivement. En même temps, le regard a glissé vers ma poitrine. Je ne peux ignorer le sens de l’ordre. Sans refermer les jambes j’écarte les pans de mon chemisier, dégageant encore un peu plus le haut de mes seins. Mais cela ne lui suffit pas. Le pouce glisse sur la première phalange de l’index. Je comprends l’ordre aussi clairement que s’il l’avait crié au travers du bar : « Ouvre un bouton de plus ». Je sais que le barman a lui aussi les yeux sur moi, mais il ne peut pas voir le manège de « l’autre ». Alors, sans baisser les yeux, j’obéis. Maintenant quatre boutons du chemisier sont ouverts. J’ai quasiment la poitrine offerte à sa vue. Je suis là, belle grande femme, cuisses et seins offerts à la vue d’un inconnu. Il lève son verre, le hoche à mon intention comme pour porter un toast, le vide, puis se lève et me fait juste un signe du menton. Il ne m’invite pas à le suivre. Il m’ordonne de le précéder. Comme hypnotisée, je signe la carte de bar que le barman a posé devant moi, je descend du tabouret, je ramène les pans de mon vêtement mais, sans qu’il me l’ai explicitement défendu je sens qu’il me l’aurait interdit, je ne referme pas les boutons. Je sors du bar et m’engage dans le couloir. Je ne me retourne pas, je sais qu’il me suit. Arrivé à l’endroit où il m’avait barré la passage tout à l’heur je ralentis et j’hésite. J’entends alors sa voix : « cabine 55, entrez ! » Je fais glisser la porte, j’entre dans une cabine, copie conforme de la mienne et je me retourne. Il est entré lui aussi.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire