samedi 28 août 2010

Le plénipotentiaire 1er partie

Il sonna à sa porte un matin, alors qu’elle était entrain de prendre son petit déjeuner, encore en tenue de nuit. Etonné d’une visite à cette heure matinale, elle regarda par la fenêtre de la cuisine et vit un homme qu’elle ne connaissait pas, plutôt grand, assez ordinaire, vêtu d’un imperméable mastic et d’un chapeau beige. Elle fila dans la salle de bain pour passer un peignoir et remettre un peu en place sa tignasse encore emmêlée de la nuit tout en grognant contre ces gens qui vous dérangent au réveil. Elle n’aimait pas ouvrir à des inconnus, et elle détestait les discours des marchands au porte à porte qui tentait de lui refiler une encyclopédie dont elle n’ouvrirait jamais un tome ou un aspirateur révolutionnaire. Elle se contenta donc d’ouvrir la petite fenêtre qui permet de voir et d’être vue sans ouvrir pour autant la porte et demanda d’un air tout sauf engageant :

- « c’est pourquoi ? »

L’inconnu retira avec élégance son chapeau, elle remarqua qu’il était un peu dégarni, et se présentât avec un sourire poli en disant son nom qu’elle ne comprit pas vraiment, mais cela n’avait guère d’importance à ses yeux. Elle cru remarquer qu’il n’avait pas annoncé de prénom mai seulement un nom compliqué, qui ne lui disait rien. Alors l’homme reprit :

- « Je dois vous parler, madame, mais peut-être serions mieux à l’intérieur ? »

Elle n’était pas du tout décidée à se laisser ainsi forcer la main, d’autant qu’il ne lui avait toujours pas dit de quoi il souhaitait lui parler. Pour couper court, et espérant retrouver son thé du matin pas encore trop refroidi elle lança du ton le plus rogue qu’elle pu :

- « Ce ne sera pas nécessaire, monsieur, je n’ai besoin de rien, je vous remercie. »

Et elle s’apprêta à refermer la fenêtre pour mettre fin à l’entretien. Mais l’importun insista, d’une voix juste un peu plus forte et, lui sembla-t-il, plus affirmée :

- « Vous m’avez mal compris, madame, je dois vous parler, vous comprenez ? »

Et il avait insisté sur le « dois », en la regardant droit dans les yeux. Ce regard gris, un peu lourd mais en même temps perçant la mis un peu mal à l’aise. Et l’insistance de ce visiteur importun commençait vraiment à l’exaspérer. Elle avait déjà du parfois être franchement désagréable pour se débarrasser de ces démarcheurs qui prétendait, souvent le dimanche matin alors qu’elle ne rêvait que de grasse matinée ou de trainer en pyjamas jusque midi, lui apporter la parole du Christ ou autres billevesées. En plus le ton presque autoritaire et sur de lui de son interlocuteur l’amena à être vraiment sur la défensive, et comme chacun sait il n’est de meilleure défense que l’attaque :

- « Je vous ai bien compris, monsieur, mais je crains que cela ne soit pas réciproque. Je suis très occupée et je n’ai pas un instant à vous consacrer, je vous invite à tenter votre chance chez mes voisins. Bonne journée ! »

Et sans attendre, elle claqua d’un geste vif la fenêtre au nez du fâcheux. Mais avant qu’elle ait eu le temps de se retourner elle entendit la voix qui lançait :

- « Il faut pourtant bien que vous m’écoutiez, A *, et si je reste ici je vais devoir crier ! »

Son sang se glaça en un instant. Elle ne pouvait en croire ses oreilles. Il l’avait bel et bien appelé « A* ». Ce n’était pas son prénom, mais le «pseudo » qu’elle utilisait sur Internet quand elle batifolait sur des sites réservés aux adultes. Les idées se bousculaient dans sa tête. Qui pouvait connaître se pseudo? Elle ne s’était risquée à se dévoiler qu’auprès de trois ou quatre de ses correspondants, en qui elle avait toute confiance, et elle ne pouvait croire que l’un d’entre eux l’ait ainsi trahie en donnant son adresse à un autre. Ou bien … Mais avant qu’elle n’ait pu calmer les battements de son cœur qui s’affolait, la voix avait repris, juste un peu plus fort :

- « Vous m’entendez, A* ? »

Les voisins allaient entendre, son homme pouvait revenir d’un moment à l’autre de son jogging, il allait réveiller la petite qui dormait dans sa chambre… paniquée, elle ouvrit à la volée les deux verrous, et recula pour laisser entrer l’homme qui se glissa dans le couloir. Elle reculait, presque tétanisée, se rendant soudain compte qu’elle venait de laisser entrer chez elle un parfait inconnu, qui savait des choses pour le moins compromettantes sur elle, et sans le moindre moyen de prévenir qui que se soit s’il se montrait menaçant. Alors qu’elle était arrivée au bout du couloir, il l’interpella d’une voix devenu e plus légère :

- « Ne vous en allez pas, sinon vous ne m’entendrez pas, A*Rassurez – vous, j’en ai pour un instant. Je suis le plénipotentiaire, vous comprenez ? »

- « Péni… quoi ? Qui êtes vous, et que voulez vous »

- « Voyons, Ange, qu’importe mon nom, c’est ma fonction que je vous ai indiquée. Je suis le plénipotentiaire, vous regarderez dans le dictionnaire, et vous comprendrez tout. Et puis, en même temps, vous lirez votre boite Internet, comme cela tout sera clair.
A demain, Ange, à la même heure. »

Pléni…machin, boite Internet, Ange…. Elle y comprenait de moins en moins. Elle comprenait seulement que cet homme qu’elle ne connaissait pas, la connaissait, lui. Qu’il savait quel était son pseudo sur Internet, et donc qu’il savait quel genre de site et de forums elle fréquentait. Elle comprenait surtout qu’il avait tranquillement annoncé qu’il reviendrait demain. Et en même temps il lui semblait qu’il ne l’avait pas dit comme une menace, mais seulement comme une évidence. Avant qu’elle ait eu le temps de l’interpeller, de demander des explications, l’inconnu avait déjà tourné les talons et était sorti, fermant même la porte derrière lui..

Les jambes flageolantes, elle du s’asseoir un moment pour retrouver son calme, ses esprits et calmer les battements de son cœur. Mais très vite son sens pratique reprit le dessus. Elle grimpa à l’étage, ouvrit l’ordinateur, et tandis qu’il s’allumait, elle fonça sur le dictionnaire. Un vieux dictionnaire « Larousse » ramené de France par un de ses oncles quand elle avait quinze ans. Elle se mit à tourner les pages, cherchant désespérément ce mot qu’elle était sure d’avoir déjà entendu, sans en connaître véritablement le sens, ni même l’orthographe :

« pénipotentaire ? » … le mot n’existait pas. « Péniplotentiaire » alors ? Pas plus. Elle ne put s’empêcher de sourire en trouvant, à sa place, le mot « pénis » suivi du mot « pénitence ». A croire qu’elle était prédisposée ! Mais de « pénipotentiaire » ou de « pénipotentière » point. L’ordinateur s’était allumée pendant ce temps, elle se connecta sur sa boite personnelle, celle dont elle seule connaissait le mot de passe et même l’identifiant : « A* S* ». Impatiente, les mains un peu tremblantes, elle ouvrit sa boite aux lettres. Comme toujours quelques messages de publicités importunes, puis un message de « lui ». Ce correspondant français avec lequel elle échangeait depuis quelques mois. Avant même d’ouvrir le message elle savait qu’il contenait l’explication : il portait pour titre « plénipotentiaire ». Et se résumait à une ligne :

Lundi 12 mars.
De E* à A* S* :
Vous avez trouvé la définition ?

Elle ne put s’empêcher de pouffer de rire une nouvelle fois en s’apercevant qu’elle avait mal cherché, mal compris le mot. L’idée lui traversa l’esprit : « eh bien, que va-t-il penser des professeurs de lettres québécois, mon français ? » Et elle reprit le dictionnaire, cette fois en allant aux « p.l.e.n.i….. »
et elle trouva enfin:

PLENIPOTENTIAIRE : n.m. Agent diplomatique qui a les pleins pouvoirs pour l’accomplissement d’une mission particulière.

Que venait donc faire ici cette affaire de diplomate et d’ambassadeur ? Incapable de ne pas être ironique, elle pensa furtivement : « voilà t-y pas que mon français va faire intervenir l’ambassade de France ? P’têt ben qu’il va demander le rattachement du Québec à la France, comme De Gaulle ! » Mais elle était déjà retournée devant l’ordinateur, sachant qu’il y avait un deuxième message, qu’elle n’avait pas encore ouvert :

Lundi 12 mars
De E* à A* S*:
J’espère que vous avez bien accueilli mon « agent diplomatique », mon A*. Sinon, vous savez qu’il a « les pleins pouvoirs » pour appliquer sa mission.
Vous m’aviez mis au défi d’appliquer mes menaces de l’autre coté de l’Atlantique, vous allez apprendre qu’il ne faut jamais jouer à ce jeu là… Je n’aurais pas le plaisir d’appliquer moi-même, de ma main, ce qui doit l’être, mais au moins saurais-je que vous l’aurez reçue. De vos f***.
Demain, à la même heure qu’aujourd’hui, mon plénipotentiaire se représentera chez vous. Je sais bien que vous ne pourrez peut-être pas le recevoir – et « la » recevoir – sur le champ. Il peut patienter. Mais pas trop longtemps, vous le comprendrez bien.
Il sera à votre disposition pendant quatre jours à compter de ce matin. A vous de décider si,quand et vous voulez qu’il accomplisse sa mission. Ensuite, le cas échéant, vous m’en rendrez compte, et vous seule. Je n’ouvrirais plus ma boite avant vendredi matin. Il est donc inutile de répondre à ce message ou de demander quelque explication que se soit. Il vous suffit de savoir que mon plénipotentiaire à toute ma confiance. Et donc que le renvoyer sans qu’il ait pu exécuter sa mission serait ne pas me faire confiance. Dans ces conditions il ne serait plus nécessaire que j’ouvre de nouveau cette boite.
A vendredi, ici, peut-être, mon A* qui va avoir à prendre une vraie décision.

Une nouvelle fois son cœur s’était mit à battre la chamade. Ainsi « il » l’avait fait ! Lors d’une conversation – en fait à plusieurs reprises – quand elle se montrait insolente à son égard, et surtout quand elle le titillait sur son « grand âge » il l’avait menacé d’une fessée. Elle savait qu’il adorait en donner aux dames, et elle avait bien compris qu’il ne s’agissait pas seulement de jeux amoureux ou de simulacres. Il lui avait suffisamment raconté comment il rougissait les fesses de son épouse. Il lui avait même longuement expliqué comment il s’y prenait, et elle avait, de son coté, assez lu de témoignages de « fesseurs » et de « chipies » sur Internet pour savoir de quoi il retournait. Du reste, dés leurs premiers échanges, la fessée, les punitions appliquées sur les postérieurs féminins, les martinets et autres « staps » avaient constitués les sujets principaux de leurs dialogues. Elle lui avait précisé que, pour sa part, elle n’avait jamais été la victime – fusse très conscentante – de ce genre de pratiques, mais qu’elle serait prête à s’y prêter. C’était à la fois vrai, l’idée d’être ainsi le derrière fustigé par une dextre masculine l’émoustillait, et sans vrai engagement, son correspondant résidant en France et elle au Québec. Cela ne l’avait pas empêché de lui décrire longuement comment il « l’initierait » à la fessée,[1][i] De même, à plusieurs reprises, il lui avait indiqué que, si elle était prés de lui, elle aurait été prestement déculottée et sévèrement fessée. Mais devant ces menaces virtuelles, elle l’avait taquiné en crânant sur le thème « vous parlez, vous menacez, mais d’où vous êtes, je ne risque rien ». Et quelques semaines auparavant, lors d’un dialogue sur ce thème il avait incidemment glissé : « A moins que je ne trouve un exécuteur au Canada ? » Et voilà qu’il y était parvenu !

Elle en avait les larmes aux yeux, le cœur en folie, la gorge serrée. Elle était à la fois paniquée d’être ainsi directement menacée, et tellement fière qu’il ait fait cela pour elle. Elle comprenait maintenant tout, clairement. Et même avec une clarté tragique. Bien sur il n’y avait pas la moindre menace dans son mail. Mais les choses n’en étaient pas moins affirmées sans ambiguïté. Ou bien, dans les trois jours à venir, elle accepterait que « le plénipotentiaire » applique sa mission, et elle ne pouvait avoir le moindre doute sur la nature de celle-ci, ou bien s’en serait fini de cette correspondance à la fois tendre et épicée qu’elle échangeait avec cet homme si loin d’elle en âge et en kilomètres, mais dont elle savait tant de choses les plus secrètes, et à qui elle avait tant dit d’elle – même. Elle avait déjà presque oublié ses craintes liées à la découverte de cet aspect secret de sa vie. Elle avait noué avec cet homme une relation telle qu’elle n’imaginait pas qu’il puisse être incorrect ou pervers et lui vouloir du mal. Mais elle sentait bien que de là à envisager sereinement non seulement d’être fessée, mais en plus de l’être par un parfait inconnu, il y avait une marge, et une sacrée !

Tandis qu’elle entrait dans la salle de bain les idées se bousculaient dans sa tête. Bien sur qu’elle n’allait pas accepter de recevoir cet inconnu. Elle n’était pas folle. Elle ne prendrait jamais ce risque. Pour qui se prenait – il ce maudit français ? Avait-il compris qu’elle était « une blonde » ? ou, pire, une soumise, prête à se laisser faire par n’importe qui ? Pensait-il qu’il suffise qu’il le demande pour qu’elle s’exécute ? N’avait-il pas compris qu’il y avait une différence de taille entre ce que l’ont fait dans le monde virtuel et ce que l’on fait dans « la vraie vie » ? Bien sur qu’elle était déjà allé loin avec lui, dans l’acceptation de ses « exigences ». Elle lui avait adressé des photos, des photos osées, très osées. Elle en sous-vêtements, nue, exposée, presque exhibée. Ses seins en gros plans, elle nue de bas en haut. De face, de dos. Pour lui elle avait photographié son postérieur et majesté, exposé, montré, exhibé. Elle était allée jusqu’à écarter les fesses pour ouvrir la vue sur le mystérieux petit trou. Sur son insistance, elle avait même fait une photo dont le titre excluait toute incertitude : « chatte ». Elle s’était caressée pour lui, en le lisant, en pensant à lui. Mais elle l’avait fait aussi avec d’autres correspondants de ce diabolique Internet. Pour qui se prenait-il, ce vieux français sur de lui ? Ne comprenait-il pas qu’entre l’image d’elle et le don d’elle il y avait un océan aussi large que celui qui séparer son pays du sien ? Comment avait-il pu oser faire cela ? Comment avait-il pu lui faire prendre un tel risque ? Oser donner son adresse, son pseudo ! Comment avait-elle pu faire confiance à un tel salaud ? Il ne voudrait plus échanger avec elle ? Tant pis pour lui ! Pensait-il qu’à son âge elle serait en peine de trouver des amants de cœur, de mots ou de culs plus séduisants que lui ? Va donc, eh vieux machin !

Et pourtant. Comment expliquer son geste, sa mise en scène. Qu’a-t-il à en attendre, après tout, lui ? Qu’aura-t-il de plus qu’il n’ait déjà ? Il n’a même pas demandé de preuve photographique de la chose. Il lui suffit donc qu’elle le fasse. Et comment le saura-t-il alors ? Déjà nue, mais avant d’entrer sous la douche, elle retourne auprès de l’ordinateur pour relire ce message de folie. « Vous m’en rendrez compte, et vous seule » Il ne la menace donc même pas d’attendre que son « représentant » (elle n’arrive décidemment pas à redire correctement ce foutu mot) lui confirme l’exécution de sa mission. C’est à elle, à elle seule de le faire. Mais alors c’est qu’il lui fait une telle confiance ? Qu’il n’envisage même pas qu’elle puisse feindre ? Ou bien même qu’il n’envisage même pas qu’elle puisse s’y soustraire ? Elle en éprouve une immense fierté. A moins qu’il ait choisi ce stratagème pour mettre fin à des échanges qui lui pèsent ? Ou qu’il ait vraiment voulu la mettre au défi. Si c’est cela, tu va trouver à qui parler, p’tit gars ! Si tu pense que c’est la menace d’une petite fessée de rien du tout qui va me faire reculer ! Et déjà, dans sa tête, le film de la fessée qu’il lui a décrite par le menu défile.

Elle est sous la douche, l’eau ruisselant sur ses épaules, son dos, ses seins, ses fesses. Et ces images qui défilent comme sur un écran. Ses fesses dénudées, la culotte qui descend, le cul qui se dévoile. Le cul qui s’offre, qui s’expose, qui se présente. Les mains qui claquent. Les fesses qui rosissent, qui rougissent, qui brûlent. Les claques, en rafale, en averse, comme cette eau qui la fouette. Le cul qu’elle tend, qui reçoit à pleine force les lanières d’un martinet, d’une ceinture, de verges…. Le bruit des claques, le sifflement des lanières, son cri qui nait au fond d’elle-même et qui explose, en même temps que sa jouissance. Elle est tombée à genoux dans la cabine de douche, l’eau continue à ruisseler sur elle. Une main s’est crispée sur son sexe, qu’elle pétrit avec violence, triturant son bouton à lui faire mal, l’autre s’est glissée entre ses fesses et deux doigts se sont enfoncés dans le petit trou. Oui ! oui ! frappe ! encore ! plus fort ! je vais jouir ! Je jouis !!!

Elle reprend son souffle, son calme, elle respire. Elle se sèche, s’habille, revient dans le monde du vrai. Le monde du gris, du triste, du convenu. Elle sait que, dans trois jours elle aura du choisir entre rester dans ce monde là, et prendre le risque d’en découvrir un autre.



[1] Voir « La découverte »



2 commentaires:

  1. je me lave ,me sèche et je reviens vers le monde du réel,c'est ce que j'ai ressenti en lisant ces lignes.bon weekend.

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  2. C'est un plaisir de visiter votre blog
    un câlin de Reus Catalogne

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